La
statuette que je choisis de vous présenter aujourd’hui est une représentation
de Karomama. Il s’agit d’une divine adoratrice d’Amon qui vécu sous le règne de
Takelot II, le dernier roi de la XXXII dynastie (945-712 av JC(1)) lors de la
Troisième Période Intermédiaire (1069-656 av JC). Elle est en bronze et a reçu
des incrustations d’or, d’argent et d’électrum. Elle mesure 59,5cm et est
conservée dans le département égyptien du Musée du Louvre à Paris (2).
Cette
statue est l’une des trois œuvres ramenées par Champollion qui sont conservées
au Louvre. Les deux autres sont le zodiaque
du temple de Dendérah et le relief de
Pépi Ier. Comme trop souvent pour les œuvres trouvées au XIXème siècle,
nous ne connaissons pas son lieu de provenance exacte. Cela dit, les
spécialistes supposent qu’elle provient d’un temple de Thèbes.
Regardons ensemble :
La
prêtresse est représentée jeune, débout et en marche sur son socle. Elle porte
une robe plissée très sophistiquée, aux manches courtes et évasées. Elle lui
découvre les mollets. Portée près du
corps, ce vêtement souligne les formes féminines de la prêtresse. Elle est
décorée de plumes sur toute sa partie basse qui forment deux ailes d’oiseaux
(vautour) enveloppant notre prêtresse.

Elle
porte ses bras coudés devant sa poitrine et maintenait des instruments de
musique aujourd’hui disparus.
Son
visage est encadré par une perruque tressée. Elle est ornée du serpent
protecteur royal, l’uraeus. Sur
son crâne, on observe une cavité aménagée dans laquelle devait venir se placer
un ornement qui finissait cette coiffure. Probablement de grandes plumes de
bronze faisant référence à la coiffure du dieu.
Sur
son socle, on trouve sa titulature inscrite en hiéroglyphes. Ainsi, Karomama
était "aimée d'Amon-Rê, elle est son
épouse divine, la Divine Adoratrice". On peut également lire
le nom de celui qui commanda la fonte de cette statue, le fonctionnaire et chef
de sa maisonnée (soit son assistant), Iâhentefnakht. Cette statuette de bronze
a été réalisée pour "perpétuer le
nom de ma maîtresse dans le temple d'Amon-Rê » et était dédiée à une
chapelle du site de Karnak. Elle était présentée sur une barque portative lors
des grandes processions, aux côtés d’une statue d’Amon. D’après l’inscription,
on peut déduire que le chambellan Iâhentefnakht était très fier de Karomama.
Pour aller plus
loin :
Cette œuvre a été réalisée selon la technique de la fonte à la cire perdue (3). Il
s’agit d’une technique permettant de réaliser des œuvres d’une grande finesse
et creuses, ce qui permet d’économiser le métal. Ici, notre statuette a été
fondue sur un noyau sableux recouvert de métal. Le sable a d’ailleurs abimé le
bronze en parti basse.
Après sa fonte, elle a reçu un décor
d’incrustations qui est aujourd’hui très endommagé. Des feuilles d’or ont été incrustées
pour créer le collier tandis que le plumage de la robe a été damasquiné. Ces
incrustations permettaient de donner une certaine polychromie à l’œuvre et de
souligner les détails de la robe. La peau était à l’origine également
recouverte de feuilles d’or, comme en témoigne les restes apparents sur les
jambes.
L’effigie de Karomama est
l’un des rares grands bronzes que l’on est conservé de la période de la
Troisième Période Intermédiaire. En effet, les archéologues ont retrouvé
plusieurs bronzes représentant des prêtresses et des musiciennes. Ces statues
étaient placées les chapelles auxiliaires des grands temples. Ces objets, et en
particulier la statue présentée dans cet article, témoignent d’un grand sens
artistique et du savoir-faire que possédaient les bronziers égyptiens de cette
époque.
Encore plus loin :
Cette œuvre, d’une qualité
exceptionnelle, témoigne de la richesse et de l’importance du clergé d’Amon à
la XXXIIème dynastie. En effet, la Troisième Période Intermédiaire est la
période d’apogée de ce régime théocratique en Haut Egypte. Amon est alors le
grand dieu de Karnak et son clergé dirige pour lui les affaires terrestres. Ce
pouvoir est d’abord accordé à son grand prêtre avant d’être transmis à son
adoratrice.
Cette
œuvre nous présente donc Karomama, petite fille du pharaon Osorkon Ier (XXII
dynastie) et divine adoratrice d’Amon. Il s’agissait d’une fonction occupait
par des vierges consacrées au dieu Amon. Elles se succédaient par un système
d’adoption, il s’agissait très souvent de jeunes femmes de sang royal ou proche
du pharaon. Elles exerçaient un pouvoir politique et religieux et bénéficiaient
d’un domaine et d’une cour personnelle.
Pendant
le Nouvel Empire, ce titre est donné aux reines. Il est alors précisé que cette
fonction n’exclut pas le mariage avec Pharaon. C’est à la XXXIème dynastie
(1080-945), celle du règne des Pharaons-prêtres, que ce titre est donné à des
vierges consacrées.
Les
successions des divines adoratrices d’Amon forment de véritables dynasties
sacerdotales. Leur pouvoir est très étendu et l’on peut prouver cela en
regardant leurs noms, qui sont gravés
dans des cartouches royaux. Pendant la dynastie sous laquelle vivait
Karomama, les divines prêtresses se faisaient enterrer à côté du Ramesseum, le
temple de Ramsès II.
Le Sistre :
Elles
étaient chargées des rites du temple de Karnak. Karomama devait d’ailleurs
tenir des sistres qu’elle agitait pour éveiller le désir sexuel de son dieu. C’est
un instrument qui se compose de deux parties. Le manche peut être surmonté
d’une tête de la déesse Hathor encadrée par deux cobras. Un arceau en tôle
pliée est ensuite percé de trous permettant de recevoir une barre métallique
sur laquelle étaient glissés des anneaux de métal. En les secouant, les anneaux
se choquent entre eux et produisent le son de l’instrument (en égyptien
antique, on parle de « sechech » ce qui traduit assez bien ce son).
Le sistre est l’instrument favori des prêtresses et chanteuses de temple.
L’usage du sistre était réservé aux femmes car en effet, ces dernières ne
pouvaient participer au culte que grâce à la fonction de musiciennes.
L’œuvre que je vous ai présenté est une
de mes œuvres préférées du musée du Louvre. Elle est du moins, ma favorite pour
le département égyptien. La qualité exceptionnelle de sa réalisation et son
visage m’ont tout de suite séduite. Elle m’a permit de vous présenter
rapidement une page importante de l’histoire de l’Egypte ancienne, le culte
d’Amon, tout en passant par l’évocation de différentes techniques de
métallurgie de l’époque. Ce n’est pas pour rien qu’elle a également touché
Champollion qui nous a ramené ce trésor. En cela, la statue de la divine
adoratrice d’Amon Karomama est une œuvre complète, et elle mérite d’être connue
du grand public.
(1)
Attention !
Les dates de dynasties varient quelque peu selon les auteurs et les ouvrages.
(2)
Aile
Sully, première étage.
(3) Renseignements sur la fonte à la cire perdue : http://fr.wikipedia.org/wiki/Cire_perdue
Bibliographie et webographie :
Ziegler & JL Bovot, Art et archéologie : l'Egypte ancienne (2001)
Notes tirées de visites et de cours sur l'archéologie égyptienne
Notes tirées de visites et de cours sur l'archéologie égyptienne
http://www.insecula.com/oeuvre/O0006035.html
http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/statue-de-la-divine-adoratrice-damon-karomama?sous_dept=1
http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/statue-de-la-divine-adoratrice-damon-karomama?sous_dept=1
http://www.archaeowiki.org/images/0/0a/Restoration_Stela.jpg
http://jfbradu.free.fr
http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/sistre-de-la-chanteuse-damon-et-disis-henouttaouyC
Article très complet et intéressant, merci beaucoup ! Je connaissais cette œuvre mais grâce à vous, je ne la regarderai plus de la même façon :)
RépondreSupprimerBonne continuation !
très bon article à l'exception du grosse erreur: la statue est de la XXII dynastie tout comme Osorkon I. Et "C’est à la XXXIème dynastie (1080-945)" = XXI
RépondreSupprimermerci beaucoup
RépondreSupprimergrosse erreur de datation Takelot II XXIIème Dynastie (835-810)et non XXXII
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