dimanche 25 mars 2012

Karomama, divine adoratrice d'Amon (Egypte - 954 712 av JC)

   La statuette que je choisis de vous présenter aujourd’hui est une représentation de Karomama. Il s’agit d’une divine adoratrice d’Amon qui vécu sous le règne de Takelot II, le dernier roi de la XXXII dynastie (945-712 av JC(1)) lors de la Troisième Période Intermédiaire (1069-656 av JC). Elle est en bronze et a reçu des incrustations d’or, d’argent et d’électrum. Elle mesure 59,5cm et est conservée dans le département égyptien du Musée du Louvre à Paris (2).

   Cette statue est l’une des trois œuvres ramenées par Champollion qui sont conservées au Louvre. Les deux autres sont le zodiaque du temple de Dendérah et le relief de Pépi Ier. Comme trop souvent pour les œuvres trouvées au XIXème siècle, nous ne connaissons pas son lieu de provenance exacte. Cela dit, les spécialistes supposent qu’elle provient d’un temple de Thèbes.


Regardons ensemble :
   La prêtresse est représentée jeune, débout et en marche sur son socle. Elle porte une robe plissée très sophistiquée, aux manches courtes et évasées. Elle lui découvre les mollets. Portée près du corps, ce vêtement souligne les formes féminines de la prêtresse. Elle est décorée de plumes sur toute sa partie basse qui forment deux ailes d’oiseaux (vautour) enveloppant notre prêtresse. 

Elle porte un large collier d’or que l’on nomme ousekh. Le système d’attache et de contre poids (car c’est un lourd collier) sont représentés à l’arrière de la statue. Sur le contre-poids, un cartouche présente l’inscription suivante « Karomama, aimée de Mout ».
Elle porte ses bras coudés devant sa poitrine et maintenait des instruments de musique aujourd’hui disparus. 
 
 Son visage est encadré par une perruque tressée. Elle est ornée du serpent protecteur royal, l’uraeus. Sur son crâne, on observe une cavité aménagée dans laquelle devait venir se placer un ornement qui finissait cette coiffure. Probablement de grandes plumes de bronze faisant référence à la coiffure du dieu.

   Le visage est rond mais ses traits sont fins. Il offre un sourire à celui qui la regarde. Ses yeux sont en amandes, son nez petit et droit, ses lèvres fines. Certains spécialistes y voient une expression sévère en relation avec sa fonction.

   Sur son socle, on trouve sa titulature inscrite en hiéroglyphes. Ainsi, Karomama était "aimée d'Amon-Rê, elle est son épouse divine, la Divine Adoratrice". On peut également lire le nom de celui qui commanda la fonte de cette statue, le fonctionnaire et chef de sa maisonnée (soit son assistant), Iâhentefnakht. Cette statuette de bronze a été réalisée pour "perpétuer le nom de ma maîtresse dans le temple d'Amon-Rê » et était dédiée à une chapelle du site de Karnak. Elle était présentée sur une barque portative lors des grandes processions, aux côtés d’une statue d’Amon. D’après l’inscription, on peut déduire que le chambellan Iâhentefnakht était très fier de Karomama. 



Pour aller plus loin :
  Cette œuvre a été réalisée selon la technique de la fonte à la cire perdue (3). Il s’agit d’une technique permettant de réaliser des œuvres d’une grande finesse et creuses, ce qui permet d’économiser le métal. Ici, notre statuette a été fondue sur un noyau sableux recouvert de métal. Le sable a d’ailleurs abimé le bronze en parti basse. 

    Après sa fonte, elle a reçu un décor d’incrustations qui est aujourd’hui très endommagé. Des feuilles d’or ont été incrustées pour créer le collier tandis que le plumage de la robe a été damasquiné. Ces incrustations permettaient de donner une certaine polychromie à l’œuvre et de souligner les détails de la robe. La peau était à l’origine également recouverte de feuilles d’or, comme en témoigne les restes apparents sur les jambes.
 
   L’effigie de Karomama est l’un des rares grands bronzes que l’on est conservé de la période de la Troisième Période Intermédiaire. En effet, les archéologues ont retrouvé plusieurs bronzes représentant des prêtresses et des musiciennes. Ces statues étaient placées les chapelles auxiliaires des grands temples. Ces objets, et en particulier la statue présentée dans cet article, témoignent d’un grand sens artistique et du savoir-faire que possédaient les bronziers égyptiens de cette époque. 



Encore plus loin :
Cette œuvre, d’une qualité exceptionnelle, témoigne de la richesse et de l’importance du clergé d’Amon à la XXXIIème dynastie. En effet, la Troisième Période Intermédiaire est la période d’apogée de ce régime théocratique en Haut Egypte. Amon est alors le grand dieu de Karnak et son clergé dirige pour lui les affaires terrestres. Ce pouvoir est d’abord accordé à son grand prêtre avant d’être transmis à son adoratrice. 

   Cette œuvre nous présente donc Karomama, petite fille du pharaon Osorkon Ier (XXII dynastie) et divine adoratrice d’Amon. Il s’agissait d’une fonction occupait par des vierges consacrées au dieu Amon. Elles se succédaient par un système d’adoption, il s’agissait très souvent de jeunes femmes de sang royal ou proche du pharaon. Elles exerçaient un pouvoir politique et religieux et bénéficiaient d’un domaine et d’une cour personnelle. 

   Pendant le Nouvel Empire, ce titre est donné aux reines. Il est alors précisé que cette fonction n’exclut pas le mariage avec Pharaon. C’est à la XXXIème dynastie (1080-945), celle du règne des Pharaons-prêtres, que ce titre est donné à des vierges consacrées. 

   Les successions des divines adoratrices d’Amon forment de véritables dynasties sacerdotales. Leur pouvoir est très étendu et l’on peut prouver cela en regardant leurs noms, qui sont gravés dans des cartouches royaux. Pendant la dynastie sous laquelle vivait Karomama, les divines prêtresses se faisaient enterrer à côté du Ramesseum, le temple de Ramsès II.


Le Sistre : 
Elles étaient chargées des rites du temple de Karnak. Karomama devait d’ailleurs tenir des sistres qu’elle agitait pour éveiller le désir sexuel de son dieu. C’est un instrument qui se compose de deux parties. Le manche peut être surmonté d’une tête de la déesse Hathor encadrée par deux cobras. Un arceau en tôle pliée est ensuite percé de trous permettant de recevoir une barre métallique sur laquelle étaient glissés des anneaux de métal. En les secouant, les anneaux se choquent entre eux et produisent le son de l’instrument (en égyptien antique, on parle de « sechech » ce qui traduit assez bien ce son). Le sistre est l’instrument favori des prêtresses et chanteuses de temple. L’usage du sistre était réservé aux femmes car en effet, ces dernières ne pouvaient participer au culte que grâce à la fonction de musiciennes. 

L’œuvre que je vous ai présenté est une de mes œuvres préférées du musée du Louvre. Elle est du moins, ma favorite pour le département égyptien. La qualité exceptionnelle de sa réalisation et son visage m’ont tout de suite séduite. Elle m’a permit de vous présenter rapidement une page importante de l’histoire de l’Egypte ancienne, le culte d’Amon, tout en passant par l’évocation de différentes techniques de métallurgie de l’époque. Ce n’est pas pour rien qu’elle a également touché Champollion qui nous a ramené ce trésor. En cela, la statue de la divine adoratrice d’Amon Karomama est une œuvre complète, et elle mérite d’être connue du grand public.

(1)     Attention ! Les dates de dynasties varient quelque peu selon les auteurs et les ouvrages.
(2)     Aile Sully, première étage.
(3)    Renseignements sur la fonte à la cire perdue : http://fr.wikipedia.org/wiki/Cire_perdue

Bibliographie et webographie :
Ziegler & JL Bovot, Art et archéologie : l'Egypte ancienne (2001) 
Notes tirées de visites et de cours sur l'archéologie égyptienne

 http://www.insecula.com/oeuvre/O0006035.html
http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/statue-de-la-divine-adoratrice-damon-karomama?sous_dept=1
http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/statue-de-la-divine-adoratrice-damon-karomama?sous_dept=1
http://www.archaeowiki.org/images/0/0a/Restoration_Stela.jpg
http://jfbradu.free.fr 
http://www.louvre.fr/oeuvre-notices/sistre-de-la-chanteuse-damon-et-disis-henouttaouyC

4 commentaires:

  1. Article très complet et intéressant, merci beaucoup ! Je connaissais cette œuvre mais grâce à vous, je ne la regarderai plus de la même façon :)
    Bonne continuation !

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  2. très bon article à l'exception du grosse erreur: la statue est de la XXII dynastie tout comme Osorkon I. Et "C’est à la XXXIème dynastie (1080-945)" = XXI

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  3. grosse erreur de datation Takelot II XXIIème Dynastie (835-810)et non XXXII

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